vendredi 1 novembre 2013

Petites (et néanmoins pénétrantes) considérations sur le voyage

Sur une digue, quelque part en Hongrie

C'est très émouvant de mettre le point final à un tel projet. J'ai mis du temps à commencer cet article, et encore plus à le finir. Il faut bien l'admettre, le voyage physique est terminé, même si le petit vélo dans la tête roule toujours.
Il y a les conclusions provisoires - celles d'aujourd'hui, et celles qui prendront des mois ou des années à se faire jour.
Mais d'ores et déjà, je peux affirmer, au risque de paraître présomptueuse, que je suis très fière de ce que j'ai réalisé, autant dans la préparation du projet que dans sa réalisation.
Je n'étais pas une cycliste aguerrie, j'étais débutante dans le camping, et surtout, je n'avais aucun matériel  ni aucune idée de ce qu'il convenait de se procurer. Mais rien n'est impossible à qui a un rêve impérieux. Internet était là pour m'apporter (presque) toutes les réponses. Il suffisait de chercher.
Lorsque les zéros du budget ont commencé à s'accumuler, j'ai compris que la recherche de fonds allait être une partie importante de mon travail pendant les 6 mois de préparation.
Alors, j'ai tiré dans toutes les directions : création d'un blog décrivant le projet, mise en location de ma maison pendant l'été, présentation du projet à mes connaissances et à ma famille, ainsi qu'à de possibles sponsors, ventes de plantes de mon jardin dans les vide-grenier, vente sur leboncoin d'objets devenus inutiles ou encombrants, resserrement de mon train de vie, emprunt, travaux d'isolation donnant droit à un bonus énergie.
Vous avez répondu "présent" par votre participation financière et vos encouragements, et quelques sponsors se sont manifestés. C'est grâce à vous tous que j'ai pu acheter le vélo et la remorque et donner vie à ce rêve.
D'aucuns se sont étonnés de mon énergie, de ma résistance, de mon courage. Moi, je n'étais pas étonnée, car je voyais toutes ces qualités se construire jour après jour, mon énergie décuplée par les conquêtes quotidiennes, ma conviction partagée peu à peu par mes amis et ma famille, ma peur initiale de l'inconnu céder la place à une confiance basée sur la connaissance.
Je savais que j'avais 2000 km de chemins balisés devant moi pour me préparer à la deuxième partie du parcours, celle qui est beaucoup moins empruntée, celle dont les rares voyageurs rapportent des histoires propres à vous décourager.
Je savais aussi par l'expérience de Compostelle que la première semaine est un vrai défi aux courbatures, à la fatigue et à la motivation. Mais quand on croit qu'on ne peut plus, on peut encore, il suffit d'un beau paysage, d'un sourire, d'un camping accueillant, d'un message sur son téléphone, d'une bonne bière fraîche, d'une douche, et la vie reprend des couleurs, on sait qu'on pourra repartir demain, qu'on sera même impatient d'aller voir plus loin.
Comme dans la vie quotidienne, les bons et les mauvais moments se succèdent, mais en accéléré. Il n'y a pas une journée pourrie qui ne se soit pas terminée par une rencontre ou un hébergement compensateurs. Pendant ces 80 jours, j'ai été comme un petit enfant qu'on promène en poussette et qui s'émerveille d'un nuage, d'une fleur, d'un chien qui passe. Tout avait les couleurs d'une première fois.
Si je suis partie pour voir en vrai les superbes photos du livre de Michel Bonduelle et me prouver que j'étais capable de cet effort de longue haleine, le plus beau cadeau de ce voyage aura été la découverte d'une liberté et d'une inventivité inconnues dans la vie dite normale.
Certes, j'avais des contraintes d'espace et de temps, mais, me les étant données à moi-même, elles ne me pesaient pas. Je voulais rentrer avant l'automne et pour cela, il fallait me limiter à l'Eurovélo sans faire de digression. A l'intérieur de ces limites, les choix étaient infinis : je m'arrête ici pour déjeuner ou j'attends un plus joli coin au bord du fleuve ? je finis mes gourdes maintenant ou je les fais durer ? je fais le trajet d'un seul coup ou je le fractionne ? je mange un sandwich ou je socialise dans une auberge ? camping, chambre ou hôtel ? Ville ou campagne ? Tant de choix à chaque instant donnent le vertige.
Quand les choix sont devenus plus rares et les étapes incontournables en avançant vers l'est, j'étais déjà devenue une ascète de la piste et (presque) plus rien ne me dérangeait. J'étais tendue vers la Mer Noire, ma vie était réduite à ce but et je trouvais mon accomplissement quotidien à pédaler à l'infini en saluant aimablement tous les Roumains que je croisais.
Une des grandes différences entre ce voyage et celui de Compostelle il y a 20 ans, outre le mode de locomotion et le but recherché, a été l'existence d'un moyen de communication à portée de main au quotidien. Finis le carnet de moleskine, la cabine téléphonique et les photos argentiques qu'on découvre au retour. Je pouvais raconter en direct - avec des photos - mes aventures et mes émotions, et guetter vos réactions. Un jeu de ping-pong stimulant, qui donnait du peps à mon voyage tout en vous faisant voyager par procuration.
On ne rentre pas indemne d'une telle expérience. Remettre les pieds dans ses pantoufles est juste impossible. Je passe tout au crible de mon aventure et me demande de quoi sera faite ma vie dorénavant. La seule chose certaine, c'est qu'elle ne sera plus la même.

9 commentaires:

  1. Pas possible ce BLOG ne peux pas s'arrêter , rester MUET !
    une sirène peut souffler un peu, ne pas naviguer perpétuellement , mais elle ne peut cesser d'émettre des ondes sonores , si non, nous risquons de perdre sa trace !!!

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  2. Alors le BLOG est bien M U E T quelle tristesse , nous sommes tous abandonnés sur la piste !!!

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    1. Aie confiancccssssssssssse ! Je marche au ralenti, mais j'y travaille, et je découvre des choses très intéressantes en faisant la synthèse de cette aventure. On peut creuser à l'infini, découvrir des causes, des conséquences, des parallèles, des points de fuite. Une vraie psychanalyse en chambre !
      Plus que quelques jours...

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  3. OUFF la Sirène est là , elle reprend pied tranquillement

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  4. Encore bravo ! De notre côté, on a tous été impressionnés par ta détermination, aussi bien dans la préparation que pendant le voyage. Mes amis ici n'en reviennent pas que tu aies fait le voyage toute seule, en entier, et tu es devenue un modèle pour ceux qui ont peur de s'ennuyer à la retraite !

    On attend tous la prochaine aventure !

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  5. Eh oui, on m'appelle la Madone des Seniors, maintenant !
    A ceux qui ont peur de la retraite, je dis : Ne craignez point et partez dès que possible ! Ce temps est le meilleur de la vie. Si vous ne connaissez pas encore vos multiples talents, ils vous seront révélés en temps voulu. Vous serez stupéfaits de vos découvertes sur vous-mêmes. On vous a volé votre créativité dès le CP, retrouvez-la !
    Ainsi soit-il.

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  6. Alors la Sirène dort ? bien tranquille ?

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  7. Elle est bien silencieuse notre brillante cycliste, célèbre Sirène, vaillante retraitée !
    OUH OUH ........

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  8. Bonjour, Sirène du Danube, Der Stile Fliger DON,
    Je découvre votre périple, en vélo: un peu moins aventurier, ayant équipé un Traffic T1200 pour manger et dormir dedans, ma femme, deux enfants et moi avons suivi un parcours similaire au votre de Toulouse à la mer Noire: l'accueil des gens, la découverte de populations, de langues, de coutumes, de modes de vie si proche des nôtres et pourtant si différents est une passion:
    l'Europe que nos politiques ne savent pas faire, elle existe déjà dans le coeur des européens: il faut seulement savoir la découvrir.
    Ma compagne et moi (75 ans de moyenne) ferions bien quelque chose comme celà, mais nous sommes embarqués dans la défense des malades de la Fibrose Pulmonaire Idiopathique (FPI)maladie incurable, handicapante et mortelle à court terme (2 à 5 ans) au développement fulgurant (40 cas en 2003, 4 000 en 2013, 15 000 en 2015, près de 20 000 bientôt), nous avons participé à créér la Fédération Européenne et une loi européenne par 388 voix sur 752 députés va imposer aux pays européens la prise en charge de cette maladie dont on ignore l'origine: pollutions, Diesel, nanoparticules????
    Notre site: www.apefpi.com, et la page Facebook
    Bravo et merci
    Cordialement
    Gilbert

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